La remise à flot de la plateforme crypto ne se déroule pas comme prévu, s’inquiètent les avocats des clients privés de leurs actifs numériques. L’actuelle procédure judiciaire fragilise la déjà piètre santé financière de Bit4You, minant de ce fait les espoirs d’un jour recouvrer les cryptomonnaies. Mais les fondateurs viennent avec une proposition de secours.
Graves complications ou angoisses passagères ? On croyait que Bit4You, la plateforme crypto belge déchue, avait entamé une convalescence depuis cet été, au fil de sa procédure de réorganisation judiciaire dite par transfert. Une période de sursis pendant laquelle les créanciers doivent laisser tranquille l’entreprise en difficultés financières. Six mois durant lesquels une cession de l’ensemble ou d’une partie des activités devrait s’opérer, sous contrôle de justice.
Les trois fondateurs de Bit4You, Marc Toledo, José Zurstrassen et Sacha Vandamme, qui avaient démissionné un mois avant la défaillance de l’exchange, poussés vers la sortie par la FSMA, le régulateur des marchés financiers, ne ménageraient pas leurs efforts pour trouver une issue favorable, avait assuré l’avocat de la maison mère, Chainius Solutions.
Cette société anonyme, actionnaire principal de Bit4You (99,9%) et dont le conseil d’administration est emmené par le même trio Toledo-Zurstrassen-Vandamme, a depuis sa constitution dû accorder un soutien financier à sa filiale. Et ce, alors que les bilans de la plateforme d’échanges de cryptomonnaies laissaient apparaître à chaque exercice comptable une perte reportée, pointée dans les petites notes d’annexes aux comptes annuels et épinglée dans les rapports du réviseur d’entreprise.
Chainius Solutions avait déjà accordé des prêts à hauteur de 2,93 millions d’euros avant la débâcle de 2023. Et, suite à l’urgence, la maison mère avait répété l’intervention entre janvier et mai de cette année, pour un montant global de 1,75 millions d’euros. Mais les conditions se seraient désormais détériorées.
La situation de Bit4You se faisande
Avec l’absence d’activités commerciales, combinée aux frais de la procédure judiciaire, Bit4You commence logiquement à manquer de trésorerie. Seulement voilà, les perfusions financières de l’actionnaire principal ne seraient plus aussi évidentes.
« J’apprends que l’actionnaire Chainius semble rechigner à soutenir sa filiale, malgré les engagements qu’elle a pris lors de l’assemblée générale de septembre 2022, engagement renouvelé depuis lors », s’inquiète l’avocat Florian Ernotte, associé du cabinet Avroy, qui défend les intérêts d’utilisateurs de la plateforme Bit4You.
Généralement, la procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) permet de poursuivre les activités. Sauf que, dans le cas présent, la plateforme d’échanges demeure à l’arrêt, sans chiffre d’affaires. Tandis que les avoirs numériques des utilisateurs y restent bloqués depuis l’insolvabilité du fournisseur CoinLoan, susceptible d’avoir emporté dans sa chute 7,5 millions d’euros de cryptos appartenant aux clients de Bit4You.
« Mes clients espèrent que Messieurs Zurstrassen, Toledo et Vandamme tiendront leurs engagements pris au travers de Chainius et feront le nécessaire pour assurer la continuité de Bit4You et ce afin d’accoucher d’une solution pour les utilisateurs lésés », insiste Me Ernotte. « À défaut, je crains que cette PRJ aggrave le passif de Bit4you. Certains de mes clients pensent que ce seraient d’ailleurs une belle preuve de leur ‘bonne foi’ dans ce dossier que d’allier le geste à la parole ».
Abandon partiel des cryptos
L’alarmisme ne se montre pas aussi flagrant du côté de l’ancienne direction incriminée. Marco Toledo, José Zurstrassen et Sacha Vandamme n’auraient certainement pas perdu confiance en la PRJ, pour la simple et bonne raison qu’ils en sont eux-mêmes clients de la plateforme.
« Au même titre que certains clients qu’on entend parfois beaucoup dans la presse, les fondateurs se retrouvent aussi avec leurs avoirs bloqués, pour une somme assez substantielle. Les ex-administrateurs sont donc aussi intéressés par le succès des opérations de restructuration menées par le mandataire de justice », souligne Nicolas Vanderstappen, l’avocat individuel des trois anciens dirigeants de Bit4You.
D’ailleurs, ce triumvirat, qui détient 10% des cryptos bloquées, envisage d’en mettre à disposition un certain montant pour payer, si besoin, les frais requis lors des prochaines étapes à court terme de la PRJ.
« Messieurs Toledo, Zurstrassen et Vandamme proposent d’abandonner une partie de leurs avoirs aujourd’hui gelés sur la plateforme afin de permettre de dégager, le cas échéant, des liquidités supplémentaires pour assurer le financement de la procédure judiciaire si c’est un point qui devait poser problème », affirme l’avocat Nicolas Vanderstappen, prenant soin de préciser que les comptes disposent encore de liquidités pour le moment et peuvent couvrir les dépenses.
Autrement dit, le renoncement à une part de leurs cryptos devrait être pris dans le chef des fondateurs de Bit4You comme une démonstration de bonne volonté. Car, d’avis des anciens administrateurs et de leur avocat, l’actuelle recherche de repreneurs sous contrôle de justice constitue « la meilleure chance de désintéresser les clients » et d’offrir « une égalité de traitement afin de trouver une solution pour l’ensemble des utilisateurs ».
« Les dirigeants de Bit4You sont victimes de leurs erreurs »
La situation de Bit4You aujourd’hui résulte de la faillite du fournisseur estonien CoinLoan, privant la plateforme belge de 40% de ses cryptos. « C’est un contexte de faillite d’un prestataire qui déstabilise en réalité toute la chaîne de valeur », tient à relativiser Me Vanderstappen.
Une vision de l’affaire qu’on ne partage pas dans les rangs des avocats défendant des clients lésés par l’exchange. « Cette posture de victimes prise par les fondateurs de Bit4You tend à dissiper le fait qu’ils sont les premiers responsables. Ils ont décidé unilatéralement du transfert de crypto chez CoinLoan. S’ils sont victimes, les dirigeants de Bit4You sont victimes de leurs erreurs », déplore l’avocat Florian Ernotte.
Quant à l’ « abandon partiel » proposé par ces derniers, il ne s’agirait là que d’une piste déjà envisagée informellement. « Il n’y a rien de signé et rien de concret, les fondateurs ont simplement envisagé de renoncer à une partie de leurs avoirs si la PRJ réussit. Donc si la procédure capote, si aucun repreneur se manifeste, ils n’ont offert aucune autre garantie », réplique Me Ernotte. « Surtout que l’opération ne réinjecte pas de la trésorerie nécessaire mais réduit éventuellement les dettes de Bit4You ».
Interrogé sur les développements de la procédure, les pistes de repreneurs et l’éventuel défaut de liquidités de Bit4You, le mandataire de justice désigné dans le cadre de la PRJ, l’avocat Roman Aydogdu, a préféré ne pas commenter le dossier. Renseignements pris à bonnes sources, on sait que Me Aydogdu a travaillé « sans relâche » à la préparation d’une mise en concurrence et que l’appel au marché serait relativement imminent.
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