Le nouveau programme wallon dédié aux technologies du web3, dévoilé vendredi à Louvain-La-Neuve, marquerait une étape dans la stratégie numérique de la Région. Cette petite avancée politique vient en tout cas rassurer les acteurs blockchain, les invests wallons et autres potentiels bénéficiaires industriels.
« Heureux d’être présent pour cette initiative importante autour de la blockchain qui peut renforcer la position de la Wallonie. Car la stratégie digitale de la Région, vous la connaissez tous, a notamment pour ambition de saisir les opportunités de l’innovation par le numérique. Les technologies blockchain apportent de nouveaux usages pour répondre à des problématiques ». Cette déclaration politique enthousiaste prononcée lors du kick-off de DigitalWallonia4.Trust, le public l’attendait de la bouche du ministre wallon de l’Économie et du Numérique, Willy Borsus (MR), qui a brillé par son absence vendredi.
Remplaçant son ministre de tutelle au pieds levé, Benoît Hucq, directeur général de l’Agence du Numérique (AdN), le centre d’expertise numérique wallon et « conseiller privilégié du gouvernement » en la matière, a ainsi souligné l’importance de ces technologies émergentes popularisées par Bitcoin, sans bien sûr reconnaître nommément la filiation avec la première et la plus connue des blockchains opérationnelles à large échelle.
« L’innovation blockchain peut offrir une valeur ajoutée à l’économie wallonne mais aussi aux produits du secteur numérique wallon. Cette technologie transversale peut servir des entreprises de toute une série d’autres secteurs, purement économiques mais aussi de l’enseignement, du service public, avec la traçabilité des démarches. C’est tout ce potentiel que la Wallonie veut soutenir au travers du programme DigitalWallonia4.Trust », a remis en perspectives le DG de l’AdN.
Désorganisé le programme wallon ? Non, décentralisé
Ce projet novateur n’émerge pas spontanément de l’exécutif wallon. Fruit de plusieurs années d’efforts pour surmonter les obstacles bureaucratiques, DigitalWallonia4.Trust est emmené par un ensemble de partenaires fondateurs parmi lesquels Agoria, la fédération des entreprises technologiques, l’Infopole, le réseau public/privé qui active la communauté des acteurs wallons du numériques, WalChain, la communauté des startups du web décentralisé wallonnes, et Invest.BW, la société d’investissement et de financement du Brabant wallon.
Cette collaboration entre entités technologiques résistant à l’épreuve du temps (long notamment dû aux dédales administratifs wallons) semble témoigner du sérieux de l’engagement à faire avancer les capacités numériques de la Wallonie. L’initiative blockchain concrétise également la volonté d’objectiver le potentiel transformateur des technologies du web3, l’Internet décentralisé, de cerner les moyens de remodeler les activités industrielles et commerciales, tout en évaluant les retombées économiques.
Les moyens de nos ambitions ?
Pour le développement du secteur blockchain wallon, le ministre Borsus avait initialement évoqué un investissement de près de 3 millions d’euros, via le programme (136) du Plan de relance de la Wallonie censé « favoriser le développement de technologies et d’initiatives qui sont de nature à amplifier la compétitivité du territoire wallon ».
L’enveloppe budgétaire prévue pour ledit programme du plan wallon s’élève à 22,45 millions €, à partager entre deux projets, l’un portant sur l’intelligence artificielle (DigitalWallonia4.AI), l’autre sur la blockchain afin de « pallier les retards en la matière en Wallonie alors que son potentiel est bien présent ».
Le projet wallon autour des technologies du web3 doit ainsi bénéficier d’une maigre portion (13%) du budget alloué dans le cadre de la relance pour mener de nombreuses actions impactantes : sensibiliser les entreprises, les communes et autres acteurs territoriaux ; créer une infrastructure distribuée de test (testnet) pour permettre la formation l’expérimentation et la création de preuves de concept; capitaliser sur les technologies, expertises scientifiques et économiques, les bonnes pratiques portées par les acteurs locaux pour développer des use cases.
Blockchain, Not Crypto
Brossant un avenir techno-économique plus efficient, transparent et sûr grâce à la magie de la blockchain, DigitalWallonia4.Trust éveille une curiosité légitime à l’égard des décideurs politiques. Les promesses de performances de la blockchain vont généralement de pair avec les concepts de tokenisation, qui permettent avec des actifs numériques d’intégrer les dimensions de programmation, de transaction, d’automatisation et de sécurisation à la base de données chaînées ainsi qu’au réseau sur lequel elle est distribuée.
Or, reprenant une rhétorique plus passéiste imposant le distinguo entre blockchain et cryptos, on sait le politique réticent à ces actifs numériques assez comparables au BTC. Pour ne citer que le ministre régional de l’Économie, « la Wallonie n’investit pas un centime dans le Bitcoin », avait assuré Willy Borsus plus tôt cette année à propos des cryptomonnaies. « Je les considère comme des actifs hautement spéculatifs qui ne représentent que peu d’intérêt du point de vue strictement technologique », avait-il encore ajouté lors d’une réplique au Parlement, rappelant que les services publics ne découragent pas plus qu’ils n’encouragent leur utilisation et exhortant à la vigilance vis-à-vis des entreprises frauduleuses.
Interrogé par nos soins sur cet aspect, en remplacement du ministre de l’Économie, le directeur général de l’Agence du Numérique a indiqué qu’il n’appartenait pas au pouvoir politique de décréter ce qui est bon ou mauvais dans une nouvelle technologie. « La thématique des cryptos fait l’actualité, pas toujours de façon positive, si je puis dire. Mais c’est en lien avec les technologies émergentes, des points positifs et négatifs sont mis en évidence et il faut pouvoir en tirer le meilleur. En termes d’action publique, mieux vaut laisser la porte ouverte à ces évolutions technologiques, y compris pour ce qui est des crypto-actifs », a assuré Benoît Hucq, insistant néanmoins sur la nécessité d’un encadrement, au même titre que pour les enjeux éthiques de l’IA, où le politique doit prendre position. « Il convient de laisser les évolutions avancer pour pouvoir mesurer et titrer profit des opportunités ».