Faire ressortir les talents de l’écosystème crypto, confronter les grands acteurs aux besoins réels des utilisateurs, mettre en relation des builders (des porteurs de projets) et des investisseurs, toutes ces ambitions autour de l’Internet décentralisé résonnent dans un lieu de partage à Bruxelles : Cryptosquare.
Tout a commencé il y a deux ans et demi dans un espace de coworking bruxellois. Profitant de l’ambiance feutrée de leur bureau au Silversquare Bailli, Édouard Estour, consultant en IT, et Julien Coppola, consultant en e-commerce, échangent librement à propos de leurs wallets. Quand survient cette idée. « Si on est deux, là, à se retrouver autour de la crypto, peut-être que d’autres dans l’espace seraient intéressés. On a fait le tour : cinq ou six personnes étaient bien branchées », se souvient Édouard. « Et comme il y a trois Silversquare rien que sur l’avenue Louise, on s’est dit qu’avec un petit coup de pub, on pourrait peut-être facilement en rassembler une vingtaine ».
Malgré la pandémie de Covid en toile de fond, un marché de l’événementiel balloté entre annulations forcées et mesures de distanciation, les premiers « apéros du Web3 » n’ont eu cesse d’attirer des participants par dizaines. Pour discuter blockchain, tokens et use cases le temps d’une soirée. « Avant la fin du bull, cette tendance durablement haussière, il y avait de l’intérêt du grand public, des geeks, des degen. On a eu la chance de rencontrer beaucoup de monde, très vite », explique Julien.
Les commus dans la commu
Petit à petit, leur initiative aussi spontanée que personnelle les a exposés à des défis logistiques. Autant profiter des avantages de leur terrain de jeu. « On s’est dit qu’on allait montrer à Silversquare que dans sa communauté de coworkers, il pouvait exister une sous-communauté orientée Web3. Mais notre volonté avec Julien, c’était de ne pas être visibles individuellement mais bien que cette commu qui soit mise en lumière. Le set-up événementiel s’est construit progressivement et naturellement », retrace Édouard Estour.
Le Cryptosquare a ainsi vu le jour, se structurant sans chichi autour d’une passion commune pour les technologies émergentes popularisées par Bitcoin. Loin de l’évangélisation blockchain à tout prix, des maximalismes conflictuels, d’un pur lobbying mercantile. Autrement dit, pas de liens d’affiliation dans tous les sens, une approche agnostique sans réseau de prédilection, un soutien indistinct aux projets de DeFi, métavers, etc. « J’en suis à mon quatrième bear market, je suis là pour la tech (sourire) et pour rester. Ces développements me fascinent. Je ne suis pas là pour accueillir les noobs et leur dicter où aller mais j’aiguillerai avec plaisir celles et ceux qui veulent s’éduquer avant de plonger », relativise Julien Coppola.

Exhausteur d’interactions
Non seulement capable de rameuter les passionnés à Bruxelles, ce lieu de rencontres a vite montré une capacité à déplacer les foules vers d’autres rendez-vous thématiques. Tantôt une quarantaine de membres de Cryptosquare débarquant à NFTParis, tantôt une autre quarantaine à la Non Fungible Conference (NFC) au Portugal. Les cofondateurs se félicitent d’ajouter à la dynamique communautaire locale une dimension de relations internationales et d’interactions nomades. « Imagine, pour le side event de la NFC qu’on organisait, on était 150 sur le rooftop du Mama Shelter de Lisbonne », épingle Édouard, tout en indiquant sur le ton du mystère que cela a permis de trouver de « nouveaux bons partenaires » pour les prochaines dates à l’agenda.
Entretemps, puisque leurs amis faisaient la route depuis le Grand-Duché pour venir vivre l’expérience communautaire belge, Julien et Édouard ont ouvert il y a six mois une antenne à Luxembourg. Toujours dans les murs de Silversquare, avec un line-up à la Cryptosquare, mais Lëtzebuerger Stil, une approche disons un peu plus légère. Tout cela démontrant que l’univers encore globalement abstrait des actifs tokenisés et autres registres distribués possède des ancrages bien réels, entrepreneuriaux et humains.
« En Belgique nous avons des vraies pépites, des vrais talents. Mais ça reste tellement sous-exploité. Ça se structure par des initiatives privées, avec la Brussels Blockchain Week, WalChain, Web32, plein de commus satellites telles que DAO.Brussels », fait remarquer Julien.
La passion pour modèle d’affaires ?
Et, concédons-le, il y a déjà un certain niveau de connaissances chez les personnes croisées au Cryptosquare. Pour cause, un tiers de la commu se constitue de profils tech, des devs, des experts cybersécurité. Raison pour laquelle d’ailleurs les cofondateurs ont mis en place des meet-ups tech avec leurs partenaires Optimism, Starknet ou Tezos, pour moins parler business et plus « mécanique » comme comment construire son layer 2 sur l’une ou l’autre blockchain.
Après ces années passées à puiser les finances essentiellement dans leurs poches, les cofondateurs indépendants professionnalisent l’aventure Cryptosquare. « Aujourd’hui, on ne sait pas où on va mais on sait qu’on y va », lance malicieusement Édouard Estour, fidèle à un certain esprit start-up. En février, il réalise d’ailleurs le grand saut ou plutôt le grand pivot : sa commu Web3 devient son full time job. « Nous allons continuer à nous structurer au fur et à mesure en essayant de trouver le business model pour vivre de notre passion et faire vivre cette passion ».
S’estimant chanceux, outre le fait déjà d’être hébergé par Silversquare, les porteurs de ce hub crypto veulent aussi récompenser toutes ces personnes qui soutiennent le projet souvent bénévolement. « On veut rétribuer ces gens qui donnent du temps et de la passion pour créer beaucoup de valeur. On veut trouver une façon de pouvoir les rétribuer, ça fait partie de nos priorités pour cette année », assure Julien Coppola.