Vincent PadronDonald Trump était le candidat de l’élection présidentielle américaine qui était le plus en faveur des cryptomonnaies. Son investiture était donc synonyme de fête pour les investisseurs… Jusqu’à ce que ces derniers constatent des cours en chute. Comment expliquer un tel contraste ?
Avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les investisseurs en cryptomonnaies s’attendaient à une période prospère. Quelques heures avant l’investiture du 47ème président des États-Unis, les cours étaient à la hausse. Le Bitcoin a même atteint son ATH en dépassant les 109 000$. Toutes les promesses du nouveau président étant en faveur des crypto-actifs, tous les feux semblaient être au vert. Mais c’était sans compter certains paramètres. Les cours sont rapidement partis à la baisse, engendrant un réveil brutal. À l’heure où sont écrites ces lignes, le cours du Bitcoin est repassé sous la barre des 84 000$.
Un phénomène de correction
En dehors de tout paramètre extérieur, les cours des cryptomonnaies connaissent régulièrement des périodes baissières associées à un phénomène de correction. Lorsque les achats d’un crypto-actif augmentent, sa valeur grimpe en même temps. Néanmoins, le cours va finir par atteindre un point de bascule. À ce moment-là, certains investisseurs vont revendre leurs actifs afin d’empocher le bénéfice fait. La pression vendeuse va alors devenir plus forte, ce qui va engendrer une baisse temporaire de la valeur de l’actif.
Entre la mi-novembre 2024 et le 20 janvier, le cours du Bitcoin a connu une forte hausse, entraînant dans son sillage plusieurs altcoins. Tout début février, le Bitcoin dépassait encore la barre des 100 000$. Cela a pu encourager les investisseurs à revendre après quelques semaines moins porteuses que prévu.
Une réserve stratégique tardive et limitée
Dans les projets proposés par Donald Trump, la création d’une réserve stratégique nationale en cryptomonnaies avait séduit les investisseurs. Ces derniers pouvaient alors imaginer que le gouvernement allait procéder à des achats à court terme, ce qui aurait naturellement fait grimper le cours.
Néanmoins, lors de son discours d’investiture, Donald Trump a ignoré le marché des cryptomonnaies. Ensuite, la mise en place de cette réserve stratégique s’est fait attendre. Ce n’est que le 7 mars 2025 que le décret a été signé. Les plus impatients, déçus par la situation, ont donc pu prendre la décision de vendre leurs actifs entre temps.
En plus, la constitution de cette réserve nationale laisse certains investisseurs perplexes. En effet, le stock numérique qui alimentera cette réserve proviendra uniquement des bitcoins détenus par le gouvernement fédéral. Ce sont pratiquement 200 000 BTC qui seront ajoutés à ce “Fort Knox numérique” pour une valeur estimée à au moins 18 milliards de dollars. Même si cette opération induit une baisse de la pression vendeuse du même montant, les actifs étant destinés à être conservés (donc retirés en quelque sorte du marché), certaines personnes restent sceptiques sur le résultat à long terme.
En sus, la confirmation que le gouvernement américain se contentera des actifs saisis lors de procédures a déçu les spéculateurs. Ces derniers voient leur espoir d’un investissement à court terme dans les cryptomonnaies par le gouvernement s’envoler.
Un contexte géopolitique instable
Cela n’a échappé à personne, deux guerres sont actuellement menées en parallèle. D’un côté, la Russie tente d’envahir l’Ukraine depuis le 24 février 2022. Cela fait donc trois ans que la guerre a débuté. Malheureusement, le contexte est toujours assez instable, fragmentant en prime les relations entre les pays européens et les États-Unis. De l’autre côté, c’est un nouveau conflit entre Israël et Gaza qui a débuté le 7 octobre 2023 après une attaque du Hamas.
Ces crises géopolitiques créent un contexte d’incertitude économique. Non seulement cela n’est pas propice aux investissements mais la situation amène également à vendre les actifs volatiles pour sécuriser les liquidités. En plus, les infrastructures numériques dépendent de réseaux physiques. Si ces derniers sont altérés dans les zones en guerre, cela peut engendrer une réduction de l’activité sur les blockchains. La confiance des investisseurs peut alors être ébranlée, les poussant à vendre. En contrepartie, il est tout de même bon de noter que les cryptomonnaies peuvent être utilisées en temps de guerre pour contourner certaines restrictions bancaires.
Un contexte économique peu favorable
Fin janvier 2025, juste après le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, la Fed a annoncé maintenir ses taux d’intérêt entre 4,25% et 4,50%, et ce, malgré les demandes du nouveau président américain qui souhaitait une baisse immédiate. En attendant de connaître ce qui ressortira de la prochaine réunion, les investisseurs restent dans un climat qui n’est pas propice aux investissements. Ces taux élevés impliquent des emprunts plus coûteux et donc des liquidités moindres pour les placements spéculatifs.
Les incertitudes se multiplient avec la récente entrée en vigueur du MiCA en Europe. Ce règlement fixe un cadre réglementaire pour l’univers des cryptos en imposant des exigences strictes. Cela peut donc laisser les entreprises et les particuliers sur la réserve, et ce, même si les USA adoptent une politique plus libre.
Enfin, depuis la prise de ses fonctions, Donald Trump a multiplié les augmentations de droits de douane. Ceux-ci s’élèvent à 25% pour les importations en provenance du Canada et du Mexique, les deux pays frontaliers. Seule une récente exception a été adoptée pour exempter les produits conformes à l’USMCA, un accord entre les trois partis.
Quelques jours plus tard, Donald Trump a imposé un droit de douane supplémentaire de 10% sur les produits en provenance de Chine, avant d’appliquer un tarif de 25% sur les importations d’acier et d’aluminium. Ce dernier point a notamment engendré une réponse de l’Union européenne. Cette dernière imposera à nouveau des droits de douane sur des produits américains dès le 1er avril. Elle prévoit également de renforcer les mesures à partir de la mi-avril. Bien entendu, ce contexte économique laisse envisager des inflations.
Des chiffres décevants pour le marché de l’emploi
La fin de la première semaine de mars représentait un moment clé dans les perspectives pour l’évolution des cryptomonnaies. En effet, c’est à ce moment que le rapport mensuel sur l’emploi américain a été publié. D’après ce dernier, 151 000 emplois ont été créés en février, contre 125 000 en janvier. Si cette valeur semble positive de prime abord, elle s’avère en fait un peu décevante. En effet, les analystes estimaient qu’il y aurait 160 000 emplois créés. Le taux de chômage a quant à lui évolué en très légère hausse, passant de 4% sur janvier à 4,1% sur février.
Si ces chiffres sont importants, c’est parce qu’ils représentent des indicateurs pour la Fed, la réserve fédérale américaine. C’est sur ces derniers qu’elle prend la décision de baisser, d’augmenter ou de ne pas toucher aux taux d’intérêt. Or, nous le savons, si ces derniers sont en baisse, cela représente de meilleurs possibilités d’investissement sur les marchés plus volatiles. Dans le cas contraire, cela peut créer une certaine appréhension ralentissant ainsi les investissements.
Justement, Jerome Powell, le président de la Fed, s’est récemment exprimé lors d’un forum à l’université de Chicago. En substance, il indique que la nouvelle administration met en œuvre d’importants changements de politique qui ont des effets sur l’économie. Cela engendre des incertitudes sur les conséquences, ce qui fait que la Fed va prendre son temps pour analyser tous les paramètres et bénéficier d’une meilleure visibilité pour prendre ses décisions.
Cela pourrait engendrer une révision du graphique prévisionnel établi. Certains analystes misent même sur le fait que la Fed ne baissera pas ses taux d’intérêts lors de sa prochaine réunion. En bref, le climat est incertain et donc peu propice aux investissement sur un marché aussi volatile que celui des cryptomonnaies.
