La Villa du Bitcoin n’affiche aucun lien avec l’ancienne « Maison » parisienne, devenue l’honorable Coinhouse, si ce n’est une assignation à résidence symbolique de la plus célèbre des cryptomonnaies. Curiosité inattendue dans l’écosystème, l’entreprise liégeoise qui ouvre ses portes ce vendredi invite à « découvrir, comprendre et tirer le meilleur parti de cette révolution financière ».
Le monde est petit. Et le microcosme crypto belge, encore plus. Les sociétés qui assument officiellement dans leur nom la cryptomonnaie originelle se comptent sur les doigts d’une main en Belgique. Quelle ne fut pas la surprise en mai dernier lorsqu’est soudainement apparue dans les archives de l’État une nouvelle société baptisée « La Villa du Bitcoin ». Avec un siège social tout aussi pittoresque puisque établi dans une 4 façades de la rue de Herve à Battice, en province de Liège.
Plus sérieusement, la mission entrepreneuriale s’annonçait prometteuse sur papier, les futures activités légales prévoyant « l’enseignement, la formation et l’intermédiation relatifs aux nouvelles technologies internet 3.0, en matière de stratégies de développement, de marketing relationnel, de technique de mise en relations de contact ».
Dans le petit écosystème wallon de la blockchain, personne ne semblait pourtant avoir eu vent de cette initiative originale. Bizarre, même l’omniscient Google ne savait pas en dire davantage. Le fondateur, le seul personnellement cité dans l’acte de constitution, se montrait introuvable, vu la pléthore d’homonymes et l’absence apparente de lien avec l’industrie crypto. Rien sur les réseaux sociaux, pas même sur (feu) Twitter, pourtant Café du Commerce de la communauté du bitcoin. Quant au site web de La Villa, il restait en construction, sans la moindre information complémentaire.
Un projet énigmatique
À l’époque de cette curiosité administrative belgo-belge, l’Union européenne concrétisait MiCA, sa réglementation pionnière censée mettre de l’ordre sur les marchés des actifs numériques, le projet orwellien Worldcoin bouclait une levée de plus de 100 millions de dollars, l’entreprise américaine Circle lançait un stablecoin adossé à l’euro… Autrement dit, les médias ne manquaient pas de cryptokitties à fouetter, tandis que La Villa du Bitcoin ne s’empressait pas de communiquer.
Le silence radio a plus ou moins perduré jusqu’à la rentrée. Une influenceuse du Pays-Basque nous a d’abord demandé si Coinhouse, la pionnière française des plateformes crypto qui s’appelait dans une vie antérieure la Maison du Bitcoin, ouvrait une succursale en Belgique. Puis, à la mi-septembre, un député fédéral s’est soucié de savoir si nous étions conviés à l’inauguration de cette fameuse Villa, qui se tenait le soir même.
Répondant enfin à nos tentatives de lever un coin du voile sur la bâtisse, alors que le site web n’avait pas connu le moindre développement depuis trois mois, une personne de contact nous indiqua que l’événement inaugural avait été reporté au vendredi 6 octobre. Sans toutefois fournir la moindre explication supplémentaire.
« The place to be » ?
À l’heure d’écrire ces lignes, Be-Crypto a trivialement appris que La Villa du Bitcoin se donnait pour ambition d’accompagner « dans la découverte et la compréhension de ce monde en constante évolution » toute personne désireuse de « tirer le meilleur parti de cette révolution financière ».
Prenant soin de ne pas se lancer sur le terrain glissant des prestations de services liés directement aux cryptomonnaies (à savoir le trading, l’échange, la conservation), à La Villa, on précise n’offrir ni conseil financier ni investissement.
« Nous sommes avant tout un lieu dédié à l’éducation financière et à l’élévation de nos membres sur le plan social et humain. Nous croyons fermement que l’environnement dans lequel évolue une personne a un impact sur son développement, c’est pourquoi nous mettons tout en œuvre pour créer un espace propice à l’apprentissage et à la croissance personnelle », affirme la page Facebook de la petite entreprise batticienne.
Plus concrètement, ladite villa fournira à ses « adhérents » dans une salle de réunion, un studio d’enregistrement audiovisuel, un studio de production ainsi qu’une salle de formation. « Un espace de partage pensé par des passionnés du domaine qui ont voulu offrir un espace où les individus peuvent se former et s’informer sur ces sujets passionnants ».
Par quoi sera-t-elle habitée ?
La Villa répond-t-elle à des besoins insatisfaits du marché ou du public ? Où le(s) fondateur(s) puise(nt) la motivation pour s’attaquer à un tel défi de démocratiser les technologies rendues possibles par le bitcoin ? Aussi louable soit l’intention, quelle faisabilité pour ce projet volontariste alors que l’hiver crypto / bear market, alourdi par un contexte macroéconomique pessimiste et un climat mondial de durcissement réglementaire forcent les géants de l’industrie crypto à licencier du personnel ?
La Villa du Bitcoin se félicite de relations étroites avec des acteurs majeurs tels que Binance ou Crypto.com, mais la nature des collaborations demeure encore imprécise (représentation commerciale, portage d’affaires, sponsoring ?).
La première impression que laisse La Villa du Bitcoin relève pour l’instant de la circonspection. Voire de la suspicion pour certains membres du secteur belge conviés à l’ouverture des portes ce soir, sans toujours savoir réellement que penser de La Villa du Bitcoin. Une impression qui se dissipera, osent espérer les enthousiastes et autres curieux du bitcoin, après cette « pendaison de crypto-crémaillère » et les premières activités concrètes de cette entreprise déjà, à tout le moins, inédite.