Dans un monde où la science semble coincée entre bureaucratie et inégalités d’accès, un souffle nouveau se lève. Son nom ? DeSci, pour “Decentralized Science”. Ce paradigme émergeant s’inspire du Web3 pour refonder les bases de la recherche scientifique. Moins de hiérarchie, plus de transparence, et surtout, une disruption à la hauteur de celle qu’Internet a infligée à l’imprimerie. Pourquoi n’en parle-t-on pas davantage ? Peut-être parce que, cette fois, la révolution commence sans les vieux mandarins.
Qu’est-ce que DeSci ? Une rupture dans l’ADN de la recherche
Derrière l’acronyme DeSci, se cache bien plus qu’un buzzword Web3. “Decentralized Science”, c’est une réponse méthodique aux vices de la recherche centralisée. Dans le modèle classique, les scientifiques dépendent de financements étatiques ou privés, de revues verrouillées, de réseaux élitistes. Résultat : lenteur, opacité, et trop souvent, du talent gâché faute d’accès ou d’audience.
DeSci propose un tout autre chemin. Une recherche ouverte, financée par la communauté via des cryptomonnaies. Une production scientifique où les données sont partagées sur la blockchain, immuables, accessibles, vérifiables. Une gouvernance confiée non pas à des comités opaques, mais à des DAO, ces organisations autonomes régies par des smart contracts. La philosophie est simple : « donner à ceux qui font, pas à ceux qui filtrent ». Autrement dit, la DeSci, c’est la science sans les paillettes, mais avec les outils.
Pour faire simple: la DeSci est un mouvement qui utilise les technologies Web3 pour rendre la recherche scientifique plus ouverte, transparente et collaborative. Elle s’appuie sur la blockchain, les DAO et les NFT pour financer, publier et partager librement le savoir.
Et les outils, parlons-en : NFT pour protéger les droits, jetons pour récompenser les pairs reviewers, blockchains pour tracer la transparence… Bref, une boîte à outils numérique pour une science enfin réconciliée avec elle-même.
DeSci : et si la science devenait enfin libre ?
Imaginez un monde où un biologiste au Sénégal ou un neurologue à Lima peuvent publier, partager, être cités et financés sans jamais se heurter aux grands murs de l’élitisme académique. Utopie ? Peut-être. Mais la DeSci pose les premières briques de cette utopie.
Prenons VitaDAO, l’un des pionniers du secteur. Cette DAO finance la recherche sur la longévité. Elle a déjà levé plus de 4,2 millions de dollars. Les membres décident collectivement quelles études soutenir, tandis que les chercheurs bénéficient d’un financement rapide, transparent… et sans paperasserie kafkaïenne.
Autre exemple ? Molecule, un protocole qui permet de tokeniser des projets scientifiques. On peut y acheter des IP-NFT, ces jetons qui représentent des droits de propriété intellectuelle. Plus besoin de courir après un brevet. On publie, on mint, on partage. Simple comme un clic. Et les données restent disponibles à tous.
Il ne s’agit pas de tout détruire. Il s’agit de construire un pont entre le monde académique et les communautés technophiles. Et ce pont est déjà traversé. ResearchHub, cofondé par Brian Armstrong (Coinbase), propose une alternative ouverte à PubMed. Le chercheur y gagne des tokens (RSC) pour chaque contribution utile.
DeSci est-elle la nouvelle DeFi ? Arthur Hayes y croit dur comme fer
Si vous pensez que la DeSci n’intéresse que des geeks en sarouel planquant des PDF sur IPFS, détrompez-vous. Le marché, lui, a flairé le filon. Et pas n’importe qui. Arthur Hayes, fondateur de BitMEX et aujourd’hui patron du Maelstrom Fund, est l’un des plus gros bailleurs de fonds de projets DeSci. Il a investi dans sept tokens liés à des projets scientifiques (BIO, PSY, CRYO…). Pour lui, « la DeSci est à la science ce que la DeFi a été à la finance : un coup de masse dans la fourmilière ». Il ajoute : « Le secteur de la recherche est trop lent, trop cher et trop opaque. La DeSci casse tout ça. »
Et que dire de Vitalik Buterin ? Le cofondateur d’Ethereum est un fervent supporter. Présent à plusieurs événements DeSci, il a déclaré que ces initiatives pourraient « redéfinir la manière dont nous produisons et partageons la vérité ». Dans un monde saturé de désinformation, cette promesse a des airs de prophétie.
Aujourd’hui, la capitalisation totale des tokens DeSci dépasse les 2,2 milliards de dollars. TRAC, VITA, RSC, HAIR, DNX… Autant de jetons pour autant de visions. Certaines sont encore brouillonnes, d’autres structurées. Toutes ont un point commun : elles redonnent le pouvoir aux producteurs de savoir.
La DeSci peut-elle vraiment réinventer la recherche scientifique ?
Derrière le buzz, reste la question du réel. Peut-on vraiment hacker la recherche avec du code et des tokens ? Pas si vite. Les obstacles sont nombreux. La résistance des institutions, d’abord. Certaines universités voient d’un mauvais œil cette désintermédiation. Ensuite, il y a la volatilité des cryptos. Un financement de 100 000 $ en bitcoin peut perdre la moitié de sa valeur en six mois. Bonjour la gestion salariale pour les chercheurs…
Et puis, tout n’est pas encore intuitif. Pour un chercheur habitué à remplir des dossiers de 40 pages, rejoindre une DAO peut relever du parcours de l’initié Web3. Il faudra de la pédagogie, des interfaces plus claires, et des ponts humains.
Mais là où la DeSci frappe fort, c’est dans sa promesse d’inclusion. Une publication vérifiée par la blockchain n’a pas besoin d’être adoubée par Nature ou Science. Une équipe de chercheurs peut lever des fonds en direct, sans passer par dix jurys. Une idée folle peut devenir réalité… si la communauté la soutient. Et ça, c’est peut-être le vrai trésor. La DeSci transforme la recherche en bien public programmable, et non plus en chasse gardée.

Et maintenant ? Peut-on écrire l’avenir de la science sur une blockchain ?
La Decentralized Science est plus qu’une tendance. Elle incarne une rébellion technique, éthique et communautaire contre un système qui peine à évoluer. Elle n’éteindra pas la science traditionnelle. Mais elle la poussera à se réinventer.
Et si demain, la prochaine grande découverte venait d’un collectif autonome financé par un DAO ? Et si les données cruciales n’étaient plus archivées sur un cloud privé, mais ancrées sur la blockchain pour toujours ? Le terrain est fertile. Le code est là. Le feu est allumé. Reste à savoir qui osera, enfin, hacker le savoir.